
Femmes, finance et fracture numérique : lever les freins structurels
Jacqueline Schneeder, banquière depuis plus de 30 ans, adjointe au numérique à la ville de Metz et engagée dans la lutte pour l’égalité des chances, livre une analyse lucide sur l’accès des femmes à la finance, à l’indépendance économique et au numérique. Un entretien qui croise économie, société et politique publique.
Une précarité économique encore trop silencieuse
En France, les femmes continuent de faire face à des inégalités économiques massives. Elles occupent plus souvent des emplois à temps partiel, subissent davantage de ruptures de carrière (maternité, aidance), et leur niveau de patrimoine reste inférieur à celui des hommes. À la séparation, leur niveau de vie baisse en moyenne de 22 %, contre 3 % pour les hommes.
Plus structurellement, elles investissent moins que les hommes : 15 % d’entre elles placent en bourse contre 45 % des hommes. Cela s’explique en partie par une confiance en soi plus faible, elle-même issue d’un conditionnement dès l’enfance – où, rappelle Jacqueline, les garçons reçoivent quatre fois plus d’argent de poche que les filles.
Le rôle central de l’éducation financière
L’accès aux connaissances financières reste un privilège, rarement transmis par l’école. Même dans les cursus supérieurs, peu de jeunes savent lire une fiche de paie ou comprendre l’impôt. Ce déficit éducatif engendre des pertes concrètes : une étude Allianz montre un écart de 3 000 € par an entre une personne avec une faible éducation financière et une autre au niveau moyen – un écart qui grimpe à 40 000 € sur 10 ans.
Jacqueline plaide pour l’instauration d’une figure de “médecin généraliste de la finance” : un conseiller capable de poser un diagnostic de base et d’aiguiller vers les bons spécialistes.
Inclusion numérique : le nouveau front de l’inégalité
L’autre fracture majeure évoquée concerne le numérique. Les femmes, notamment les plus précaires, sont surreprésentées parmi les personnes en situation de “détresse numérique”. Le manque de matériel, de compétences, ou simplement de confiance, les éloigne de leurs droits, de l’emploi, ou même de leur autonomie.
Pour y remédier, Jacqueline a fondé des cafés numériques et mis en place des formations spécifiques. Son action repose sur un constat simple : sans inclusion numérique, il ne peut y avoir d’insertion économique durable.
L’école, la famille, les biais : agir dès l’enfance
Dès le plus jeune âge, des mécanismes genrés s’installent : les garçons sont valorisés pour leur prise de risque, les filles incitées à se montrer prudentes et discrètes. Ces écarts façonnent ensuite le rapport à l’investissement, à la carrière, au couple, à l’argent.
Jacqueline insiste sur l’importance de la vigilance parentale : donner autant d’argent de poche, encourager autant l’audace, et proposer une représentation équilibrée des métiers et de la réussite.
Que faire concrètement ?
Selon elle, il ne s’agit pas de créer des services financiers “pour femmes”, mais de s’attaquer aux biais comportementaux et culturels. Cela passe par :
- Plus d’éducation financière dès l’école,
- La démystification des métiers techniques,
- La promotion active de rôles modèles féminins,
- Une meilleure articulation entre emploi local et formation.
Une conclusion pleine d’élan
Le mot de la fin de Jacqueline ?
“Vous avez face à vous tous les possibles. Soyez curieuse de tout. Rien ne vous est fermé, rien ne vous est interdit. Ayez confiance en vous. Et osez.”
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